Arrivée de Poupoule

Il faisait beau, elle chantait faux, Poupoule était toute fière de son chapeau... Quand elle entra dans la boutique de son amie Kaelle.
La sonnette tinta et résonna joyeusement dans la pièce. Elle attendit patiemment son amie en regardant avec envie les chapelets de saucisses, le saucisson qui séchait et les araignées bien rouges qui attendaient de dorer dans les casseroles. Elle sourit. Il y avait déjà un moment qu'elle ne faisait plus dans la boucherie, mais elle avait la nostalgie de métier, ses carcasses, bien trop lourdes pour elle et qu'elle faisait porter jusqu'à son échoppe par un charretier de sa connaissance.
Son amie ne se manifestait toujours pas. Elle appela :

Ma belle, es-tu là ?

Elle attendit un instant, l'oreille aux aguets, les yeux en alerte, prête à bondir sur Kaelle pour la saluer.

Cachée dans son bureau à travailler sur les derniers dossiers qu'elle avait en main, Kaelle entendit la clochette tinter au rez de chaussé, elle déplaça encore des boules de son antique boulier, écrivit deux trois chiffres, le client pouvait bien attendre.

Ma belle, es-tu là ? Ha non là ça n'attendait pas ... la jeune femme avait reconnu la voix de son amie Poupoule, elle lacha plume, boulier et dévala les escaliers puis poussa la porte qui menait à sa boutique.

Coucou ma Poupoule ! j'suis là j'avais le nez dans mes comptes ! Comment vas tu ?

Coucou ma Poupoule ! Comment vas-tu ?

Comment elle allait ? Quelle question ! Furieusement bien : son bébé ne faisait pas ses nuits, sa bonniche n'en faisait qu'à sa tête et un homme prétendait être son père. Elle ne s'en ouvrit pas à son amie et se contenta de lui dire que tout allait bien.

Mais toi, comment vas-tu ? Je te dérange alors, si tu as encore le nez dans le boulier. Mais, j'avoue qu'il est préférable pour nous que ton nez soit dans les comptes plutôt que dans l'eau-de-maïs !

Elle rit, et se dit qu'après tout, sa position était enviable : elle pouvait picoler toute la journée, enfin, quand sa bonne avait le dos tourné. Car elle était encore moins commode qu'elle, et ne rigolait pas avec la bière !

Kaelle éclata de rire en entendant Poupoule.

Oui c'est vrai qu'il est préférable, mais après tout, une pause ne me fera pas de mal. Tu auras bien un moment pour partager un vin chaud avec moi ? Tu ne me déranges absolument pas.

Kaelle entraina son amie vers la cuisine et prépara le vin chaud.

Pour répondre à ta question, je vais merveilleusement bien. Les choses rentrent doucement dans l'ordre au comté, donc me voilà rassurée. Et en dehors de cela, je nage dans le bonheur...

Un doux fumet remplit rapidement la cuisine, Kaelle remplit deux chopes et en tendit une à Poupoule.

Ca change un peu de l'eau de maïs et de la bière, mais c'est tout aussi bon! Dis ... d'ici à la fin du mois il faudra réserver une de tes soirées ... je t'en dis pas plus pour le moment, mais ... j'annoncerai cela bientôt.

Mais parle moi un peu de toi, la petite se porte bien ?

Poupoule but quelques gorgées de vin chaud, et répondit à son amie.

Ma foi, je me porte plutôt bien, et ma petite souris aussi. C'est fou, elle a déjà les yeux de son père. Par Aristote, j'espère qu'elle n'aura pas le même caractère que lui, parce que ça risque de promettre à la maison !

Elle pensa à sa fille, et sourit. C'était déjà une belle poupée flamande. Mais elle ne dit rien et sourit en regardant son amie qui semblait heureuse. Cela changeait de sa mine soucieuse des derniers jours. Elle pensa à Seb. Elle savait que leur mariage était en préparation et elle espérait pouvoir s'y rendre, si le Très-Haut le lui accordait. Elle lui dit :

Le mariage est pour bientôt à ce qu'il me semble. J'espère que vous serez heureux tous les deux. A mon avis, votre nuit de noces risque d'être courte. Mais par Aristote ! Ce n'est pas le genre de nuit blanche qu'on regrette !

Elle fit un clin d'oeil malicieux à son amie et replongea le nez dans son vin chaud en gloussant.

En écoutant son amie parler de son mari, Kaelle ne put s'empêcher de sourire, elle n'avait que peu vu la petite Kristel, mais elle trouvait qu'elle ressemblait plus à sa maman...

Le mariage est pour bientôt à ce qu'il me semble. J'espère que vous serez heureux tous les deux. A mon avis, votre nuit de noces risque d'être courte. Mais par Aristote ! Ce n'est pas le genre de nuit blanche qu'on regrette

La jeune femme sourit puis rougit

Hola ma Poupoule, oui le grand jour approche à grands pas. Heureux, nous le sommes déjà, il faut juste nous souhaiter que cela continue... heureusement, car les préparatifs sont bien complexes... quand à la nuit de noce ... elle rougit de plus belle, je crois que ce sera une récompense après ces derniers jours bien agités.

Elle éclata de rire et remplit à nouveau la choppe de son amie tisserande.